Hassan Bahsoun, Dakar
« Deviens ce que tu es », disait Nietzche. Je suis un homme de gauche et le serai toujours. « Malgré elle», pour reprendre le mot de Camus. Malgré aussi l’image défavorable qu’en donne le langage courant : l’homme malhabile est dit gauche, l’homme habile est dit adroit. La sincérité et l’honnêteté sont des signes de droiture, les règles qui organisent la société constituent le Droit, quand on meurt « on passe l’arme à gauche », l’élu est assis à la droite de Dieu, l’hôte d’honneur dans un dîner est assis à la droite de la maîtresse de maison, on dit d’une pièce de bois déformée qu’elle se gauchit, la gauche en latin se dit « sinistra ». Il y a une expression qui me console de tout ce qui précède « le cœur bat à gauche ». Plus sérieusement, au-delà des mots, je suis de gauche parce que la Gauche ce sont des valeurs, de justice, d’égalité, de solidarité, de progrès, de liberté, parmi d’autres.
Nous venons de subir une cuisante défaite. Ce n’est pas la première, on s’en est à chaque fois relevé. En 1969, le « ticket » Gaston Defferre-Pierre Mendes-France, avait obtenu autour de 6%; en 1981 la Gauche arrivait au pouvoir avec François Mitterrand. En 1993, ce fut une Berezina et le PS s’est retrouvé avec une soixantaine de députés; quatre ans après, la Gauche plurielle revenait aux affaires avec Lionel Jospin. En 2002, nous étions éliminés dès le 1er tour; en 2012, François Hollande entrait à l’Élysée. Nous vivons ainsi des temps d’alternance rapide : 5 à 10 ans, c’est la mesure de la patience française. Cette respiration démocratique est parfois accélérée par les hommes, c’est ce qui vient hélas de se passer. J’en veux pour cela aux frondeurs qui ont miné ce quinquennat, malgré nos mises en garde contre les dangers, parfois mortels, de leurs projectiles. J’en veux aux nombreux et prétentieux prétendants à la fonction suprême, qui n’ont réussi qu’à empêcher la où les quelques candidatures sérieuses. J’en veux aussi aux dirigeants du PS qui, par leur manque d’autorité et de fermeté, n’ont pas toujours su imposer la discipline de parti et le respect des règles. J’en veux enfin à Jean-Luc Mélenchon dont l’objectif affiché est de nuire au PS dont pourtant il a été longtemps un élu. Et maintenant ? Il faut vite se remettre debout et se lancer dans la bataille des législatives pour avoir le plus possible d’élus socialistes et de gauche. Donner la majorité a l’Assemblée à qui détient déjà l’exécutif, c’est faire courir à la France les risques de l’excès de pouvoir. Le pays a besoin d’une gauche.
Ensuite, il faudra reconstruire le parti si nous voulons que revienne le temps des cerises, en étant inventifs et imaginatifs. Avec le peuple de gauche, avec nos militants, nos convictions, nos valeurs, notre projet, nous nous y attèlerons. Qu’importe son prochain nom, pourvu que l’on renaisse. Ce sera un travail collectif, exigeant, très difficile. Celles ou ceux qui auront vocation à le conduire, nous les accompagnerons, en les invitant à viser haut, voir grand et juger large, et aussi à faire preuve de modestie, en méditant ce mot de Chateaubriand : « certains gravissent au sommet des ruines, se proclament géants et roulent en bas pygmées. »
Vieux peuple accablé d’Histoire, remuant, ingouvernable dit-on, enclin à la déploration permanente et au dénigrement, prompt à se diviser mais capable des plus hautes destinées lorsqu’il est uni.
Vieux parti recru d’épreuves qui nous a donné tant de bonheur. « Nous avons encore tant à faire ensemble. »
Vieux militant de gauche qui sait d’où il vient, dont la boussole a toujours été la loyauté et la fidélité à son parti, nullement détaché des entreprises et jamais las de guetter dans l’ombre la lueur de l’espérance.
Hassan Bahsoun. Membre de la section PS Conseiller Consulaire Dakar
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