À ceux qui ont cru que Emmanuel Macron était social-démocrate, voire le digne héritier de François Hollande, voire qu’il était « ni de gauche ni de droite » ou un peu des deux, le budget de la France en 2018 les aura au moins fait douter, et le Projet de Loi de Finance achèvera de les convaincre qu’il n’en est rien !
Si vous voulez relancer l’économie, faire repartir la croissance, vous avez en gros deux options.
La première, c’est une relance de la demande, par la consommation, en augmentant par exemple le pouvoir d’achat des ménages les plus démunis, puisque ceux-ci consomment 100% de leurs revenus (ils n’ont pas les moyens d’épargner). C’est l’option keynésienne. C’est ce qu’on fait quand on revalorise le SMIC ou les aides sociales. L’Etat prélève alors des impôts aux plus riches (qui épargnent plus) pour les redistribuer aux plus pauvres (qui vont donc le consommer). Evidemment, la redistribution est aussi une question de justice sociale, d’équité. Si l’ont retranscrit ces politiques pour les Français de l’Etranger, cela revient à taxer les plus riches (Exit Tax, taxation des capitaux et des revenus immobiliers), tout en préservant voire en augmentant l’aide sociale, les bourses sur critères sociaux pour ceux qui en ont besoin. C’est ce qui a été fait par les socialistes : augmentation du budget des bourses, sanctuarisation de l’aide sociale.
La seconde option, si vous croyez dans l’économie néo-libérale, c’est ce qu’on appelle la politique de l’offre. Vous relancez la production, éventuellement pour exporter (ce qui implique alors de favoriser le libre-échange), et en supposant que cela se transforme en création d’emplois. Par exemple, en donnant aux grandes entreprises, en réduisant les impôts pour ceux qui épargnent et investissent dans des marchés de capitaux supposés financer les entreprises qui produisent. C’est une politique économique de droite, tout simplement. On en a vu quelques (rares) expressions malheureuses sous le quinquennat Hollande avec le CICE, qui n’a pas créé les emplois escomptés. Mais c’est le quinquennat Macron qui voit le règne de ces politiques. La suppression de l’ISF, qui profite au grand capital, est à mettre en contraste avec la baisse de l’aide au logement.
Sur le budget et la fiscalité des Française-es de l’Etranger, ce tournant dans la politique économique libérale est particulièrement visible. Nous sommes clairement entrés dans une nouvelle ère.
– Le budget des bourses scolaires sur critères sociaux est en baisse. Rappelons qu’il permet aux familles qui n’en ont pas les moyens, d’accéder à une éducation française de qualité ; ce budget est très emblématique. Il avait augmenté avant d’être stabilisé. C’est le premier PLF (Projet de Loi de Finances) qui arrive en commission des finances à l’AFE (Assemblée des Français de l’Etranger) depuis mon élection en 2014, qui voit une baisse de ce budget.
– C’est aussi la première fois depuis 2014 que le Budget de l’aide sociale est en baisse. Au sein du programme 151 (Français à l’étranger et affaires consulaires) du Projet de loi de Finances 2019 (PLF 2019), le budget des affaires sociales, corrigé du transfert du fonds STAFE (2 millions), subit une réduction de 1,4 millions d’euros. Pourquoi, ai-je demandé à l’AFE ? Réponse surréaliste de l’administration : « Les besoins sont en baisse». En réalité, c’est une logique d’enveloppe qui régit l’attribution de l’aide sociale, ce qui ne permet pas d’évaluer précisément les besoins réels ni leur taux de couverture, en particulier pour les associations d’entraide qui distribuent une partie de l’aide sociale. Ce n’est pas parce qu’une association demande 12 000 euros, et se voit attribuer 6 000 euros, que ses besoins sont en baisse. Cela signifie juste que les besoins sur le terrain, qu’elle avait évalués à 12 000 euros, ne sont pas couverts. Lien vers la résolution de l’AFE : http://www.assemblee-afe.fr/avis-sur-le-plf-2019-baisse-du-budget-des-affaires-sociales.html
– Parlons enfin de la réserve parlementaire. Elle s’élevait à 3.34 millions pour les Français de l’Etranger. Les populistes aiment à faire croire qu’il s’agissait d’un fond opaque laissé à la discrétion de parlementaires corrompus, et utilisé pour des raisons purement clientélistes. En fait, la répartition de la réserve parlementaire était devenue beaucoup plus transparente, depuis l’obligation de publication. Et elle venait souvent aider des associations, là où l’aide de l’Etat faisait défaut : entraides sociales, anciens combattants, projets culturels… En changeant de nom (devenue le fameux fonds associatif STAFE), elle est passée de 3.34 millions à 2 millions d’Euros. Elle atterrit maintenant dans le budget de l’aide sociale (Programme 151), qui de fait, n’augmente en réalité que de 600 000 euros par rapport à l’année dernière.
Les choix budgétaires sont emblématiques. Les ressources sont limitées, l’équilibre budgétaire recherché, et il faut donc faire des choix. Il n’y a jamais de situation gagnant-gagnant. Les choix budgétaires profitent à certains et font perdre à d’autres. Sur le budget des français de l’Etranger, nous savons qui sont les perdants : ceux qui font appel à l’aide sociale et ont besoin de bourses scolaires. Alors que ce sont eux qui ont besoin de notre solidarité. Une belle illustration du cynisme libéral de Macron…
@ceciliagondard Secrétaire Nationale PS à l’égalité femmes-hommes et à la lutte contre les discriminations / 1ère Féd de la FFE-PS /
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